La situation des Roms à Lyon, une question laissée en suspend

Malgré une forte médiatisation en 2013, l’intégration des Roms n’est pas au centre des campagnes pour les municipales de 2014. Jacques Dumortier, membre de la Ligue des Droits de l’Homme témoigne de la situation des populations Roms sur l’agglomération lyonnaise, et revient sur les problématiques rencontrées, auxquelles les politiques devront répondre tôt ou tard.

Gitans,Tziganes, Manouches, Yéniches, Sintis.. Autant de dénominations pour exprimer des identités qui se distinguent et s’entrecroisent, sous l’appellation « Roms ». Certains sont originaires de Roumanie et Bulgarie, ils sont venus pour gagner un peu d’argent, afin d’échapper à la pauvreté de leurs Etats. D’autres fuient le racisme et la violence dont ils sont victimes dans leur pays. Ressortissants européens, ils n’ont pas le même statut que les Roms d’ex-Yougoslavie qui sont réfugiés et demandent le droit d’asile.
A leur arrivée, les Roms n’ont pas d’autres choix que de s’installer dans des campements, squats ou bidonvilles, où les conditions de vie sont alarmantes, « même en faisant les poubelles, ou en mendiant, ils arrivent seulement à vivoter » explique Jacques Dumortier, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme. Actuellement, 1500 à 2000 Roms sont présents dans l’agglomération lyonnaise.

“ Une liberté d’action, pour des actions limitées”

Peu de mains se tendent vers les populations roms présentes sur le Grand Lyon. Seules les associations agissent sur les campements. Le Collectif Rom 69 regroupe celles qui œuvrent dans l’agglomération lyonnaise, comme ALPIL, la CIMADE, ou CLASSES, pour exemple. Le collectif est une association politique au sens général, « nous n’avons pas d’étiquette politique mais nous faisons de la politique en défendant certaines valeurs », énonce Jacques Dumortier. Ces valeurs, ce sont avant tout celles des droits de l’Homme, « le droit de vivre dans un pays, d’exister, de parler sa langue, d’avoir une religion ou pas…C’est très vaste » énumère-t-il.
La Ligue des droits de l’Homme est à l’origine de cette collaboration dont l’objectif est de partager les expériences vécues, de confronter les problèmes rencontrés pour ensuite définir des actions communes. Le collectif rom 69 joue un rôle d’intermédiaire entre les Roms et les autorités. Les associations se rendent sur le terrain, tentent d’établir un contact, rédigent des courriers pour interpeller les politiques, et sont présentes lors des expulsions « pour protéger les roms, pour s’interposer ou même porter plainte si il y a besoin », indique le militant.
Et puis, il y a les enfants. Le collectif lyonnais pour l’accès à la scolarisation et le soutien aux enfants des squatts (CLASSES), membre du collectif rom 69, lutte pour la scolarisation des enfants roms. « Tous les enfants ont le droit d’aller à l’école en France, c’est une nécessité » souligne Jacques Dumortier. Les bénévoles se rendent sur les terrains, présentent les enfants aux mairies pour les inscrire à l’école, et assurer leur suivi.

Si la situation des populations roms ne s’améliore pas, c’est parce que de nombreux facteurs viennent entraver l’action des associations. A Lyon, les roms s’installent dans les communes de l’Est de la ville, or ce sont les plus pauvres de l’agglomération. L’intégration y est difficile, les roms s’ajoutent à d’autres populations immigrées, le rejet prédomine: « les minorités des quartiers sensibles craignent que les roms freinent leur propre intégration », souligne Jacques Dumortier.
La menace de l’expulsion empêche la mise en place de suivi. Si les associations construisent des relations de confiance, et prennent en charge la situation des famille, du jour au lendemain, elles peuvent avoir disparues. La précarité des campements empêche toute amélioration des conditions de vie. Les baraquements sont faits d’objets de récupération, et sont chauffés au feu, la sécurité des occupants n’est pas assurée, de même que l’état sanitaire est catastrophique, sans eau ni électricité, les Roms vivent dans un profond dénuement.

Un espoir de changement?

Il existe des initiatives d’aide aux Roms dans la région Rhône-Alpes, comme le parrainage du village de Tinca en Roumanie par la mairie de Lyon, ou le projet ANTADU, dirigé par le préfet, qui a permis de reloger 400 Roms dans des bungalows, en échange d’efforts pour une meilleure intégration. Cours d’alphabétisation, recherche d’emploi et scolarisation sont les conditions à une installation sans menace d’expulsion.
Pourtant il n’y a pas de « politique roms » à proprement parler, sur le Grand Lyon. Chaque mairie essaie de gérer au mieux l’intégration de ces populations, « elles se renvoient la patate chaude » explique Jacques Dumortier, mais si chacune avait pris deux familles roms, le problème aurait pu être résolu, affirme-t-il.
En l’absence d’interlocuteur, les associations agissent sans réel soutien politique, alors pour les municipales de 2014, les espoirs sont faibles. Les sondages annoncent Gérard Collomb vainqueur, mais d’ici là, il restera prisonnier des problématiques de campagne électorale, et puis « il ne changera pas de politique », conclut Jacques Dumortier.

Léa Xailly, Laure Lagadec, Hugo Tierny

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